« Notre époque donne peu de chances aux rescapés et aux survivants. L'histoire pour eux ne se termine jamais » (1).
Jean-Paul Kauffmann a l'élégance de n'avoir jamais écrit « moi, otage au Liban ». Il a toujours tourné autour du pot si l'on peut dire. Sans en avoir l'air. A travers des livres qui traitent de la surface mais en appellent aux profondeurs de chacun d'entre nous. « Le Bordeaux retrouvé » de 1989, hors commerce, que je conserve précieusement, est un chef d'oeuvre de finesse, de subtilité et de force. Unissant des contraires comme un bordeaux sublime. C'est l'histoire de son premier flacon de vin après ses années de détention. L'histoire d'une attente de plusieurs semaines qu'il s'était promis de respecter s'il sortait vivant de sa geôle.
L'histoire de cette patience n'évoque pas la détention. Et pourtant elle est présente plus fortement que toute description. Une lecture à double fonds qui laisse sa place aux forces de l'esprit. Sa « Chambre Noire de Longwood » est un autre angle de la même histoire. Ce qu'il en est de la solitude du grand homme, des ses ruminements, de l'île prison.
« J'ai vécu trop tôt ma vieillesse expérimentant tous les tourments et la hantise de la fin qui accompagne cet âge » (1). Avec « La Maison du Retour », son dernier livre, Jean-Paul Kauffmann se laisse découvrir un peu mieux, s'ouvre un peu plus. Sans ostentation évidemment. Avec la délicatesse du lettré, la retenue de l'homme du monde. Cette réserve nous en dit plus que l'étalage des sentiments. Ainsi, par exemple, de la lecture : « l'homme libre ne peut lire avec une telle concentration. L'absence de contrainte n'égalera jamais la tension d'esprit que crée l'enfermement ».
Ou bien comme on s'étonne de son besoin de distance, il fait répondre Joëlle sa femme « aujourd'hui beaucoup de gens s'enchaînent aussi à l'extérieur de la cage ». Encore, citant Beckett : « rien n'est plus drôle que le malheur. Si, si c'est la chose la plus comique au monde ». Je ne peux résister au jeu des citations : « De ce passé qui a pu me montrer ma vulnérabilité, je me suis servi comme d'un tremplin ».
Pour terminer, puisque nous sommes le jour : « Ce matin de Pâques est éminemment virgilien. Il correspond exactement à ce que l'on attend d'un matin de Pâques. Le soleil étincelle, il fait pétiller l'air frais et encore humide. Je hume cette fameuse « douceur secrète » (...) : elle n'a rien de moelleux. C'est une forme de non violence qu'instaure la nature au printemps. Le vivant affleure, la montée en puissance se fait sans brutalité ». Soit. Un très heureux moment à penser, rêver, imaginer dans la forêt Landaise et la maison dans la clairière.
(1) « La Maison du retour » de Jean-Paul Kauffmann, ed. Nil.
Un livre passionnant et plein d'allusions.
Merci pour cette recommandation.
Rédigé par : Magalie.B | 10 avril 2007 à 23:20
Je partage son opinion sur : "Notre époque donne peu de chances aux rescapés et aux survivants.".
J'ajouterai que notre société aime trouver des coupables.
Rédigé par : Steph | 15 avril 2007 à 16:39