Le « NON » majoritaire du scrutin du 29 mai a incontestablement mis en évidence de profondes inquiétudes parmi les français. Je n’aurai pas la prétention de dire que j’avais prévu le résultat des urnes, mais je le pressentais néanmoins fortement. A vrai dire, ces derniers mois, mes déplacements et rencontres auprès des Isérois m’avaient mis la « puce à l’oreille »… Le 21 mai par exemple, j’étais à Vienne pour la journée, dans le but d’écouter et comprendre les préoccupations des habitants du Nord-Isère. Et nombreuses sont celles qui me furent exposées…
Les étudiants tout d’abord. S’ils se félicitent des opportunités d’échanges avec l’étranger offertes par le programme européen Erasmus, leurs craintes restent multiples. Ils me les exposent de bon matin, autour d’un café. Beaucoup déplorent des frais d’inscription en hausse perpétuelle dans les universités alors même que les diplômes, n’offrent plus la garantie d’un emploi à la sortie des études. Leur pouvoir d’achat, bien souvent limité, contraint les plus modestes d’entre eux à l’exercice de « petits boulots » parfois ingrats, mais portant surtout préjudice aux résultats universitaires… Les jeunes des quartiers d’habitat social de Vienne quant à eux, sont régulièrement marginalisés. On m’explique que je risque d’exposer les atouts du traité constitutionnel devant une poignée d’entre eux seulement. Il n’en est rien : Le club de boxe dans lequel nous avons rendez-vous est comble. Et l’intérêt est vif et non feint. Les questions fusent, initiées dans un premier temps par Abdel Jebahi, 4 fois champion de France de boxe anglaise et récent champion intercontinental, jeune homme brillant et véritablement passionné par la vie de la cité : « Qu’apporte concrètement la constitution ? », « Que se passera-t-il si elle est rejetée ? »… Très rapidement cependant, les remarques supplantent les interrogations : « Ici, nous avons la chance d’avoir le club de boxe qui nous encadre et nous structure… », « Cela fait plusieurs mois que je suis au chômage. J’ai beau chercher activement du boulot, mes efforts restent vains… », « Les délocalisations, nous en souffrons concrètement… ». La majorité des problème mis en évidence incombent en réalité à nos politiques nationales, et pas à l’Europe. Mais le contexte explique certainement en partie l’inattendue proportion des 18-25 ans s’étant prononcée en faveur du « NON » au traité. Nous devons le prendre en compte.
Les chefs d’entreprise semblent unanimement enthousiastes vis à vis de la construction européenne. Même si, parmi la quinzaine d’entre eux avec lesquels je déjeune, certains entrepreneurs textiles critiquent la faiblesse de la politique européenne vis à vis de l’invasion des productions chinoises, tous s’accordent en effet sur le potentiel considérable du marché européen. Les réfractaires au traité ne se trouvent donc pas en leur sein. Pour autant, ils m’expriment les difficultés auxquelles ils font face au quotidien. Le marché du travail est trop inflexible. L’offre de travail ne manque pas, mais les opportunités d’embauche sont entravées par une législation rigide couplée à des charges dissuasives, dans notre pays où l’on interdit de travailler plus à ceux qui veulent gagner plus. Et surtout, les politiques socialistes menées depuis le début des années 80 ont trop longtemps discrédité le travail au profit de l’assistance, oubliant que celui-ci, loin de se limiter à une corvée avilissante, permet à l’homme de se réaliser. « Comment justifier que la cumulation de certaines aides sociales puisse parfois allègrement dépasser le SMIC ? » Ces constats sont certes déconnectés de l’enjeu européen, mais nous serions coupable de ne pas y prêter attention pour autant.
Les agriculteurs de la coordination rurale enfin, réunis autour de leur président Jean-Louis Ogier dans son exploitation de Seyssuel, paraissent réfractaires au traité a priori. Je m’en étonne alors que je crois savoir que la majeure partie des revenus des agriculteurs est issue des « compensations » attribuées dans le cadre de la Politique Agricole Commune. Mais c’est justement la PAC qui est mise en exergue par les exploitants pour justifier le rejet de la constitution. Plus précisément, sa réforme programmée. M. Ogier m’explique qu’à terme, le subventionnement en rapport à la surface d’exploitation (et non plus à la production) risque de provoquer la disparition des petits fermiers, au profit de gigantesques exploitations extensives déshumanisées. Et pour faire face à la concurrence déloyale de certains pays d’Amérique du Sud sur l’élevage bovin par exemple, tous les agriculteurs présents réclament un renforcement des frontières de l’Union. A ce sujet, c’est en tant que représentants de la coordination rurale, qu’ils me soumettent un projet intéressant, consistant à instituer « l’exception agriculturelle » dans les transactions internationales. Ce projet est innovant et m’intéresse d’autant plus que j’ai participé de par le passé, en tant que ministre de la communication, à l’instauration de la notion « d’exception culturelle ». Je m’engage donc à étudier la question… Au long de cette journée je constate la popularité de Thierry Kovacs, Conseiller Régional et Adjoint au Maire qui m’accompagne . Sa connaissance des hommes et du terrain aussi.
Mais le scrutin du 29 mai a bien entériné un agrégat d’inquiétudes et préoccupations diverses des français, concrétisant le climat perceptiblement délétère de notre pays. Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur un point : Etait-il nécessaire d’attendre jusque là pour en prendre conscience ? La réinstauration d’un lien permanent d’écoute entre les citoyens et leurs représentants que j’appelle de mes vœux n’immuniserait-elle pas les citoyens et la classe politique d’un tel décalage ? Ce que j’ai constaté à Vienne avec Thierry Kovacs, ce que je sais de Jacques Remiller le dynamique Député-maire, n’est-il pas ce que nous devrions connaître partout ?
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